Le thé en Asie Centrale

Tradition et cérémonie du thé

 

Le the en Asie CentraleLe thé en Asie Centrale a un rôle beaucoup plus important qu’une simple boisson apaisant la soif.  Le thé est servi en premier à chaque repas, à chaque invité ou visiteur impromptu, entre les repas le thé est le « clou du programme », avec les friandises orientales, les fruits et les lepechki il est idéal pour accompagner les discussions. A chaque fois on prépare une nouvelle infusion, contrairement à la cérémonie du samovar russe par exemple, cette grande bouilloire ventrue faite de cuivre ou de laiton, où le conduit central, rempli de charbons ardents, garde l’eau chaude toute la journée. La théière en porcelaine,  se trouvant sur le dessus, contient le thé longuement infusé, qu’on dilue au moment du service avec l’eau chaude du samovar. Ceci n’est pas le cas en l’Asie Centrale. Difficile d’imaginer une journée où une famille ouzbèke se serait passée du thé, en période du jeûne la cérémonie du thé est rapportée aux heures de nuit.

La tasse servant à boire du thé s’appelle  piala. Les pialas sont servies au nombre de convives plus une -  celle-là est destinée à kaytar (du verbe « kaytarmok » - revenir, retourner), le procédé qui consiste à verser dans la piala et puis de reverser dans la théière le contenu de cette même tasse, et cela trois fois de suite - cela premet au thé de prendre toutes ses arômes et couleurs, l’enrichit en oxygène. Le thé ainsi préparé sera versé dans la piala en quantité étonnamment petite - à peine la moitié - et explications à cela sont variées : l’une, toute pratique, consiste à ce qu’une tasse remplie aux bords pourrait brûler les lèvres, l’autre, plus poétique, veut que ce soit un signe de disponibilité du  tchaïkhanchik (celui qui sert le thé aux convives)  qui est ainsi aux petits soins de ses invités et prêt à resservir du thé autant de fois qu’il le faudra. Plus encore, servir une tasse remplie aux bords est considéré comme manque du respect, car une piala remplie à moitié dite remplie « avec respect ».

Le the en Asie CentraleQui va servir du thé et à quelle séquence -  ceci n’est pas laissé au hazard . Lorsqu’on reçoit les invités à la maison ce rôle sera confié à la belle-fille (la femme du fils) ou  à la mâitresse de la maison (si le fils n’est pas marié ou vit ailleurs). Dans une compagnie exclusivement masculine le mâitre de la maison se charge de  servir du thé à ses hôtes, dans une tchaïkhana (maison du thé) c’est le plus jeune de la présence. La seule chose qui ne change pas - c’est l’incroyable choréographie du service du thé, lorsqu’au moment de servir on tient la tasse dans sa main gauche, pour pouvoir de sa main droite toucher la partie gauche de sa poitrine en signe que cette piala du thé vous est donnée de tout son coeur. La première piala du thé sera proposé au plus respecté de la présence - au plus âgé, homme ou femme, ou à l’invité, puis le tour viendra aux plus jeunes.

Refuser le thé proposé n’est pas « comme il faut ».

Dans les différentes régions de l’Asie Centrale la préférence est donnée  aux différentes variétés du thé : thé vert, thé noir, ou même thé infusé au lait, avec ajout du sel et du beurre (thé noir au lait à Almaty).  Que ce soit le thé à la menthe ou au basilic, au épices - chacun trouvera la variété de cette boisson indispensable à son goût !

Le the en Asie CentraleLes jours de grandes chaleurs d’été appelés tchilla (du mot « tchilli » - quarante, car ces jours sont de nombre de 40, du fin juin au début août) le thé prend toute sa valeur. Les températures peuvent facilement monter à  +40°С et plus. On recommande de ne pas sortir l’après-midi et puis de boire beaucoup, tout le monde le sait. Ce qui est moins connu, c’est que les habitués du climat centrasiatique ne boivent ces jours de la canicule que du thé vert, et bien chaud de surcroît !

Par les voies caravanières provenant de la Chine, où est né le thé, et suivant la Grande Route de la Soie, l’Asie Centrale fût la première à avoir connu le thé, cette plante mythique intimement liée à la spiritualité de l’Orient  et devenue ici la boisson préférée depuis les temps immémoriaux. Tout d’abord, le thé fut pressé sous forme de brique, plus pratique à transporter, pour cela les feuilles de thé étaient écrasées et broyées pour obtenir une pâte. Ensuite cette pâte était séchée au dessus d’un feu de bois afin de devenir tendre et rouge. On en cassait les morceaux et aux premiers frémissements de l’eau portée à l’ébullition, on y jetait les fragments de “gâteau”. Il était bu bouilli et on le consommait parfois avec une pincée de sel; on pouvait y ajouter des épices: girofle, gingembre et menthe poivrée, voire un peu d’orange. Très cher vu le coût de transport, le thé était inaccessible pour beaucoup de gens, qui le remplaçaient par les infusions de plantes et de racines séchées. C’est vers la fin du XIX siècle (après 1865), à la création du gouvernorat général du Turkestan par la Russie tsariste que commencent les réformes d’envergure de l’histoire du thé en Asie Centrale. L’Empire russe avait sur ces territoires conquis sa stratégie économique, ayant durci à la majorité des pays - exportateurs du thé vers l’Asie Centrale, et surtout du thé indien, les conditions d’export. Jusqu’alors la majorité de la population russe consommait l’infusion de  Ivan-Tchaï (Epilobe en épi) et ne connaissait pas les variétés répendues en Asie Centrale : le thé chinois, thé indien vert et thé indien noir, avec une préférence au thé vert car désaltérant, devenu boisson traditionnelle des centrasiatiques.

Le the en Asie CentralePartout dans le monde on connaît de nos jours une multitide de variétés de cette boisson désormais universelle, par les différentes manières de cultiver cet arbuste, traiter ses feuilles, puis les infuser.

Même si les recettes et les technologies changent, et on ne trouve plus le thé préparé dans des grosses théières ou marmites, avec ajout du lait, du beurre, du sel et du poivre, la tchaïkhana (maison, salon de thé) reste l’endroit favori de récréation en Asie Centrale.Le thé y est toujour chaud et fraichement préparé, les friandises et le pain lépéchka sont servis en accompagnement.

Une fois en Asie Centrale ne manquez pas de vous rendre à la tchaïkhana, l’endroit idéal où assis sur le toptchan (le grand lit oriental) devant le dastarkhan (la nappe) en dégustan les délices orientaux, les fruits succulants, une piala de thé vert à la main, vous percerez le mystère de la cérémonie calme et mesurée du thé, aussi bien que les sujets existentiels.

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